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Comment enterrer la haine et la vengeance dans le Caucase russe ?

‘Si des gens perdent trois, quatre frères, ce n’est pas à exclure que certains rejoignent (la rébellion) et attaquent les Russes…’

La guérilla islamiste du Caucase russe ne semble pas avoir de mal, après des années de conflit sanglant, à gonfler ses rangs de jeunes recrues, en instrumentalisant le marasme économique dans la région et les exactions des autorités dans leur lutte contre les rebelles.

Azraïl, 21 ans, aurait pu se laisser tenter par ces « formations armées illégales » afin de venger « le meurtre d’un innocent », celui de son frère, tué en novembre dernier par des militaires dans la république d’Ingouchie, à la frontière avec la Tchétchénie.

« Sa voiture a été prise sous les balles des forces fédérales. Les Russes ont dit qu’à l’intérieur il y avait des rebelles islamiques », a expliqué mercredi le jeune homme, convaincu de l’innocence de son frère.

« Moi, je ne crois pas en la lutte armée. Mais si des gens perdent trois, quatre frères, ce n’est pas à exclure que certains rejoignent (la rébellion) et attaquent les Russes », relève-t-il.

Ces mots sont lourds de sens après les attentats perpétrés lundi dans le métro de Moscou (39 morts) et mercredi au Daguestan (12 morts), autre république instable du Caucase russe, et derrière lesquels les autorités russes voient la main du mouvement islamiste « L’Emirat du Caucase ».

Louisa Artchakova, une jeune Ingouche de 24 ans, n’est pas non plus surprise que la guérilla puisse recruter parmi la jeunesse, tant de familles ayant souffert, selon elle, d’exactions commises par les forces russes.

« La seule chose qui me surprenne, c’est que les Russes s’étonnent (que les islamistes) recrutent. Ils détruisent nos maisons, enlèvent et tuent, et ensuite ils disent ‘mais pourquoi leurs rangs gonflent?' », lance-t-elle.
La jeune femme dit avoir toutes les raisons de vouer une haine tenace aux autorités, son mari, Beïboulat Amirkhanov, ayant été arrêté et torturé pour qu’il avoue sa collusion avec les islamistes. Il a avoué sous la contrainte et attend depuis cinq ans, avec onze autres personnes, son procès.

Tamara Moutalieva, la mère de l’un de ces codétenus, est encore plus virulente: « On arrête et on tue leur frère, leur fils, et on s’attend à ce qu’ils ne fassent rien. Moi, les armes, je les prendrais à leur place! », lâche-t-elle, bravache.

Et la rébellion a encore d’autres arguments pour attirer des jeunes, présentant leur idéal islamique comme une alternative à la misère minant le Caucase du Nord, à l’image de l’Ingouchie où le taux de chômage officiel est de 58%.

« Il n’y absolument rien ici, à commencer par du travail. Les terroristes, les wahhabites, ils en profitent. Ils apparaissent parce que les gens ont faim et besoin d’argent. Eux offrent des revenus, et les gens les rejoignent », analyse Milana Arserikova qui termine ses études de droit.
L’ONG russe Memorial à Nazran, principale ville ingouche, abonde dans le sens de la jeune femme.

Les rebelles « savent très bien instrumentaliser tout ça, il suffit de dire aux jeunes: nous pouvons vous apporter une société juste, basée sur l’islam et la charia. Personne ne viendra voler votre maison, insulter votre femme ou tuer votre enfant », relève Timour Akiïev qui dirige l’ONG en Ingouchie.

Il reconnaît cependant que les autorités cherchent désormais à renverser la vapeur, le président ingouche Iounous-Bek Evkourov ayant publiquement dénoncé les exactions de certaines unités russes et le chef de l’Etat, Dmitri Medvedev, ayant promis de faire du développement économique du Caucase la priorité.

« Ils tentent des choses, mais pour l’instant, il n’y a pas de résultats, et sans vrais résultats, il n’y a pas de confiance (…) Quand la Russie aura rétabli la confiance, elle aura une chance de succès dans le Caucase », constate M. Akiïev.

Comment enterrer la haine et la vengeance dans le Caucase russe ?

par | 13 Avr 2010 | 0 commentaires

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