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Dmitri Medvedev, ou les espoirs déçus d’une libéralisation en Russie

En arrivant au Kremlin en 2008, Dmitri Medvedev a fait naître chez certains un espoir de libéralisation en Russie, une attente définitivement déçue quatre ans plus tard, alors qu’il doit rendre lundi les clés de la présidence à son puissant mentor Vladimir Poutine.

Le chef de l’Etat sortant a beau affirmer avoir été l’homme de la démocratisation du pays, il laissera plutôt l’image d’un homme qui aura gardé la place au chaud pour l’ex-agent du KGB Poutine, à la tête de la Russie depuis 2000 et que la Constitution empêchait de se présenter en 2008 pour un troisième mandat présidentiel consécutif.

En dépit de nombreuses tentatives, Dmitri Medvedev, 46 ans, n’est jamais vraiment parvenu à sortir de l’ombre de son aîné.

Son consentement à ne pas briguer de second terme et à permuter les rôles avec M. Poutine, annoncé en septembre lors d’un congrès du parti au pouvoir

Russie unie, en a été la dernière preuve et lui vaut, encore aujourd’hui, les railleries et le ressentiment de ses compatriotes.

Courroucés par cette annonce et les fraudes constatées lors des élections législatives de décembre, des milliers de Russes sont descendus ces derniers mois dans la rue, dans une contestation inédite du pouvoir depuis le début des années 2000.

Medvedev avait pourtant veillé au cours de son mandat à se donner l’image d’un dirigeant moderne bien différente de celle de son prédécesseur.

N’hésitant pas à afficher son goût pour la musique rock occidentale, les nouvelles technologies ou encore Twitter, ce petit brun a fait de la modernisation de la Russie son leitmotiv, appelant à améliorer le climat d’investissement et à lutter contre la corruption, véritable gangrène du pays. En 2011, il a toutefois reconnu le « peu de succès » obtenu en la matière.

Il a par ailleurs entrepris de limoger nombre de hauts responsables, dont l’ancien maire de Moscou Iouri Loujkov, ordonné aux ministres proches de Poutine de quitter les instances dirigeantes des grandes compagnies publiques, et promis de grandes réformes politiques.

Mais sur de nombreux sujets, le libéralisme du discours ne s’est pas traduit dans les faits.

Le magnat pétrolier contestataire Mikhaïl Khodorkovski reste en prison, la télévision est pour l’essentiel un porte-voix du pouvoir, et en temps de crise, comme lors de la guerre d’août 2008 contre la Géorgie, Medvedev a repris — avec un succès inégal — le style cinglant de son mentor.

« Qu’est-ce que cela a été ? Un échec à 100% ? », a demandé cette semaine le journal russe d’opposition Novaïa Gazeta à Igor Iourguens, un conseiller de M. Medvedev.

« Evidemment, si on est visionnaire et prêt à se battre jusqu’à la mort pour ses idées, on obtient plus de succès », a reconnu M. Iourguens.
« Mais si on est un libéral modéré, attentif à ses camarades, reconnaissant envers celui qui vous a porté si haut, tout ressort en demi-teinte », a-t-il poursuivi.

A l’heure du bilan, Medvedev assure lui avoir permis le progrès de la démocratie en Russie, et promet d’oeuvrer pour les libertés une fois devenu Premier ministre.

« La société a mûri, l’actuelle accélération vers la démocratie ne va pas amener le chaos, parce que la société a changé. Dans les années 1990, elle était tout autre », a-t-il déclaré la semaine dernière.

« Il est évident qu’il ne pourra pas être plus efficace au poste de Premier ministre qu’à celui de président », estime Lilia Chevtsova, de l’antenne moscovite du Centre Carnegie, interrogée par l’AFP.

« Sa principale contribution à l’histoire de la Russie post-soviétique aura été une profonde démoralisation de la société, la destruction de tout espoir de réformes civilisées et pacifiques venues d’en haut », conclut-elle.

Dmitri Medvedev, ou les espoirs déçus d’une libéralisation en Russie

par | 6 Mai 2012 | 0 commentaires

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