Ciel bleu et flots argentés sur lesquels vogue un petit bateau doré aux voiles gonflées… C’est ainsi que se présente le blason de Kostroma.

Dans l’ancien temps on appelait la ville la capitale nordique du lin. En effet une grande partie de la meilleure toile pour voilures importée par l’Europe venait de Kostroma. Les habitants de la ville connaissaient bien le chemin de l’ouest.

Un jour dans une cargaison de couleurs envoyée d’Angleterre en échange de lin. les commis d’un marchand nommé Kiril Issakov découvrirent… un tonnelet plein de pièces d’or. Londres fut averti, mais la réponse ne tarda pas: «qu’on utilise cet or pour des œuvres pieuses». Et c’est avec cet or qu’Issakov fit construire en 1652 la merveilleuse église de la Résurrection non loin de son débarcadère de la Volga, dans un coin sauvage, à l’orée de la ville.

Cette légende poétique n’est pas sans fondements: l’indigo à cette époque valait littéralement son pesant d’or. Et donc la présence. sur le portail de l’église, du lion et de la licorne du blason royal d’Angleterre parmi les personnages des légendes russes (Sirine, oiseau fabuleux à tête de femme et Niéiassyt, un pélican) s’explique par un fait historique enregistré par les chroniqueurs.

L’église de la Résurrection n’est pas seulement le plus beau de tous les monuments anciens de Kostroma, mais c’est un des meilleurs spécimens de l’architecture russe du XVIIe siècle. La composition du bâtiment posé sur un soubassement élevé n’a rien d’original. mais ses proportions en font un chef-d’œuvre. C’est un cube avec quatre piliers intérieurs, surmonté d’un toit à quatre pentes et de cinq coupoles. Sur trois côtés l’église est entourée d’une galerie couverte. A l’extrémité nord-ouest se trouve la chapelle des Trois-Saints (c’est-à-dire, Basile le Grand, Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome) couverte d’un toit à trois pentes avec une coupole: trois perrons avec des arcatures à clef pendante et un toit en pyramide donnent accès à la galerie. L’édifice est richement décoré: arcatures jumelées. encadrements de fenêtres surmontés d’encorbellements. corniche ornementale sous les arcades des toits.

A l’intérieur l’église ne le cède en rien aux cathédrales du Kremlin de
Moscou. Les murs et les voûtes sont recouverts de très belles fresques pour la
plupart nettoyées et restaurées. Les icônes, fort nombreuses, datent du XVe
au XVIIe siècles. Les portails «en perspective» de l’église principale sont
en pierre blanche sculptée.

Mais le joyau de l’église est l’iconostase de la chapelle des Trois- Saints
recouverte d’une sculpture décorative d’une finesse inégalée. Les consoles
qui soutiennent le tiabio (rangée d’icônes) sont en forme de mains et cet
élément se rencontre rarement dans l’art russe.

Le
bâtiment le plus ancien de la ville est l’église du monastère de l’Épiphanie
construite en 1565. Son architecture a été nettement influencée par Moscou.
Les cellules sont la seule maison d’habitation du XVIIe qui se soit conservée.
Elle n’a été que très légèrement défigurée par des ajouts datant des
siècles suivants. De l’enceinte il reste une tour transformée en clocher.

La ville a trois églises du XVIIe particulièrement intéressantes: deux
d’entre elles se trouvent de l’autre côté de la Volga. La première, celle de
la Transfiguration, datant de 1685, est décorée à l’extérieur de motifs
divers et à l’intérieur de fresques, tout comme l’église de la Résurrection
qui lui servit de modèle. La seconde, l’église du Prophète-Elie,
c’est-à-dire «dans la Vieille Ville», construite entre 1683 et 1685, est
située sur les vestiges d’une agglomération ougro-finnoise. Elle est presque
totalement dépourvue d’ornements, mais ses proportions sont harmonieuses et
elle est située avec bonheur sur une éminence de la rive droite de la Volga
d’où la vue est merveilleuse. La troisième église, dédiée à Saint Jean l’Evangéliste,
a été érigée en 1687 à proximité du monastère de Saint-Hypatius. Sa
composition est caractéristique de cette période: un cube élevé, un
Réfectoire bas servant d’église chauffée en hiver. Le clocher qui est une
tour dessus-de-porte s’adosse à l’église. Son premier étage est un porche
avec des portails ouverts de trois côtés. Au-dessus s’élève un prisme
octogonal avec le clocher à proprement parler. Ce clocher à arcades a un toit
en pyramide élevé et pointu dont les arêtes sont très marquées. Il est
percé d’ouvertures-ouïes rondes ou carrées, disposées sur quatre rangs. La
grille qui entoure l’église n’est pas dépourvue d’intérêt: elle est
constituée de tiges de fer forgé terminées en langues de feu entre des
piliers de pierre. Elle a été exécutée par des forgerons de Kostroma en
1765-1766. Dans l’iconostase figurent des icônes anciennes, dignes d’attention.
Les murs sont recouverts de fresques, œuvre d’un groupe de peintres de Kostroma
qui comprenait Fédor Laguine, ses fils et ses aides. La date et le nom des
auteurs sont inscrits sur le mur nord de l’église.

Le
monastère de Saint-Hypatius transformé en musée fait la fierté des habitants
de Kostroma. 11 faut dire que nombre d’événements importants dans l’histoire
de la ville sont liés à ces lieux. Dans les archives du monastère on trouva
un document littéraire précieux: la Chronique de saint Hypatius. Le monastère
fut fondé au XIVe siècle par une famille de riches propriétaires terriens,
les Zernov, qui étaient les ancêtres des Godounov. Le tombeau familial est
dans le monastère et le soubassement de la cathédrale renferme plus d’une
cinquantaine de cercueils en pierre. Sous Ivan le Terrible on construisit une
enceinte avec des tours et le résultat fut une place- forte remarquable pour le
XVIe siècle. Les membres de la famille de Boris Godounov élevèrent l’église
de la Trinité. Les dons étaient nombreux et généreux : il y eut près d’une
centaine d’icônes et la plupart avec des ornements en or. Une fois sur le
trône, Boris Godounov s’efforça de faire de Saint-Hypatius un des monastères
les plus riches de son Etat. Pendant les années mouvementées du début du
XVIIe siècle les murs du monastère furent imprégnés de l’odeur de la poudre
et sa terre gorgée de sang. Les troupes polonaises l’investirent à deux
reprises. Les étendards multicolores des soldats de Lissowski flottèrent sur
ses tours. Il fut le témoin de la trahison des boyards de Galitch et Kostroma
et du courage et de la ténacité des simples citoyens de ces villes. Le siège
de Kostroma par les hommes du Faux Dimitri dura six mois avant que ces derniers
ne soient écrasés. C’est encore du monastère de Saint-Hypatius que partit
régner à Moscou un jeune homme timide et pâle que l’on avait choisi non parce
qu’il était le meilleur, mais le plus manœuvrable: c’était Mikhaïl Romanov,
lui aussi issu d’une riche famille de propriétaires comme les Godounov. Pendant
l’hiver 1649, en période de paix, un grondement terrible éveilla Kostroma. La
poudre conservée dans le soubassement de la cathédrale de la Trinité avait
explosé. Très vite on répara le bâtiment. Il garda son aspect initial et de
nos jours on peut encore voir ses vieilles portes en cuivre avec des dessins
d’or qui avaient résisté à l’explosion. Son iconostase à cinq rangées est
particulièrement intéressante mais ce sont les fresques qui constituent le
centre d’intérêt de la cathédrale. Elles «tapissent» littéralement tout:
les murs, les piliers, les voûtes. «Cette église fut ainsi peinte en 7194»
(1686) dit la chronique. C’est Gouri Nikitine qui dirigea les travaux des
artistes.

Le monastère contient de nombreuses constructions anciennes: l’Archevêché
(1588). les Appartements du Supérieur datant également du XVIe siècle, le
Réfectoire (1640), etc. L’énorme clocher à cinq rangées d’arcades est aussi
un chef-d’œuvre du XVIe siècle. Il fut érigé par Dimitri Godounov, un neveu
du tsar Boris Godounov, mais a beaucoup d’ajouts plus tardifs. De son sommet on
a une vue inoubliable sur la ville, ses environs, sur le musée de
l’architecture en bois, le premier en Russie Soviétique. Dans ce musée sont
rassemblées diverses constructions: une église transférée du village
Spass-Vieji, perchée sur de longs pieux en chêne qui la mettaient à l’abri
des inondations de printemps, des maisonnettes de bains sans cheminée, elles
aussi sur de longues «pattes». une autre petite église en bois. un moulin
vieux de 400 ans monté sur une isba, ans doute le dernier de ce type en Russie
(il date de 1552). l’église de la Vierge du village de Kholm et enfin une isba
paysanne de la banlieue de Kologriv. C’est sans doute dans une maison de ce
style que vivaient Constantin Mézentsev et Nicolas Kostyguine, deux héros du
siège du monastère de Saint-Hypatius en 1609, qui au sacrilège de leur vie
réussirent à faire dans le mur de l’enceinte une brèche par laquelle les
soldats purent s’introduire victorieusement. Du locher toujours on voit le
monument de leur célèbre compatriote Ivan Soussanine, symbole du courage et de
la ténacité nationale.

A l’époque actuelle Kostroma est la seule ville russe qui ait conservé le
plan initial de son centre constitué à la fin du XVIIIe et au début du XIXe
siècle. Vers 1770 beaucoup de villes russes virent leur plan remanié. Il y eut
400 plans élaborés, dont celui de Kostroma qui fut approuvé en 1784 et
presque totalement réalisé: un fait contribua à cette entreprise, l’incendie
qui en 1773 dévasta la ville dont il ne resta que les églises parce qu’elles
n’étaient pas en bois. Kostroma fut donc reconstruite sur «une place neuve».
L’architecte romain Vitruve écrivait que toute ville située sur la mer ou sur
un cours d’eau doit y plonger ses racines. Il en fut ainsi à Kostroma: la place
centrale en forme de fer à cheval s’ouvre sur la Volga et de là partent en
éventail les rues rayonnantes. En ces temps-là les maisons ne pouvaient être
construites que d’après des projets « approuvés ». A Kostroma pour
fixer le tracé des rues on construirait tout d’abord les maisons d’angle, et la
disposition en éventail qui faisait que la plupart des pâtés de maisons
étaient de forme irrégulière, obligea à remanier ces projets approuvés qui
sont en fait les projets-types d’aujourd’hui. Kostroma bénéficia de cette
opération: toutes les maisons firent l’objet d’un plan individuel. C’est de là
qu’elles tiennent leur originalité actuelle et qu’elles sont considérées
comme des monuments d’architecture.

Sur
les rives de la Volga une place très importante a été consacrée aux galeries
de commerce. Les premières appelées Belle Galerie et Grande Galerie de la
Farine furent construites en 1789 d’après un projet et sous la direction d’un
architecte local, S. Vorotilov. La Belle Galerie destinée à la vente des
«belles marchandises», c’est-à-dire toiles, chaussures, mercerie, forme un
rectangle de 122 x 163 m. Elle est entourée d’une galerie couverte avec des
arcades élevées qui reposent sur de puissants piliers. Le centre de la façade
principale est surmonté d’un portique triangulaire avec des arcades identiques
aux précédentes. A l’intérieur il existait une galerie dont il reste encore
quelques arcades. Dans la Grande Galerie de la Farine on vendait de la farine,
bien sûr, du grain, du fourrage et le produit traditionnel de Kostroma, du lin.
Cette galerie de dimensions légèrement inférieures à celles de la
précédente lui ressemblait beaucoup et la seule différence était les piliers
renflés vers le bas. Par la suite on construisit encore de nouvelles galeries,
entre autres celle des Epices, du Poisson, de l’Huile, du Tabac, la Petite
Galerie de la Farine, etc… en tout dix édifices commerciaux. Ils étaient
soit sur la place, soit dans la cour de bâtiments plus anciens, ainsi la
Galerie du Lait se trouve à l’intérieur de la Belle Galerie.

Au début du siècle dernier la courbe régulière de la place (du Fer à
cheval, comme l’appellent familièrement les habitants de Kostroma) fut
aménagée et devint un ensemble architectural remarquable. Il faut noter tout
d’abord le magnifique hôtel de S. Borchtchov (général de la Grande Guerre
Patriotique de 1812). Ce beau palais est la plus grande de toutes les maisons
particulières de Kostroma. Non loin d’elle se dresse un bâtiment à
destination purement pratique, une tour de guet qui est encore en usage de nos
jours. Sa partie centrale est très belle: c’est un cube agrémenté d’un
portique corinthien sur un stylobate élevé: l’ensemble est surmonté de la
tour de guet en forme de prisme octogonal recouvert de pierre blanche. Sa
hauteur totale est de 35 mètres. Ses contours verticaux contrastent avec les
lignes horizontales et basses des galeries de commerce. Entre la maison
Borchtchov et la caserne de pompiers se trouve un petit bâtiment qui renferme
actuellement une bibliothèque. En 1797 à cet emplacement s’élevait un corps
de garde en bois qui fut remplacé par un édifice en pierre construit par P.
Foursov, l’auteur de la tour de guet. Malgré ses dimensions réduites cette
maison surprend par sa majesté et l’harmonie de ses proportions et la
finition de ses détails architecturaux. Ce bâtiment fait partie des plus beaux
monuments de l’architecture classique.

Où est située la ville de Kostroma ?



Kostroma

par | 1 Jan 2000 | 0 commentaires

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans la même rubrique…

Aucun résultat

La page demandée est introuvable. Essayez d'affiner votre recherche ou utilisez le panneau de navigation ci-dessus pour localiser l'article.