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L’Ermitage au XVIIIe siècle

NAISSANCE DE L’ERMITAGE | XVIIIe | XIXe | XXe
par le peintre russe Guennady.

Guennady

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Un autre fait, qui favorisa certainement l’enrichissement rapide de l’Ermitage aussitôt après sa fondation, fut la présence sur le marché artistique, et avant tout à Paris, d’une énorme quantité d’œuvres d’art très variées. Étaient alors en vente les trésors accumulés pendant des siècles par la vieille aristocratie, qui, ayant joué son rôle, quittait la scène historique. Les représentants de la cour de Russie ne manquaient aucune vente laissant espérer l’acquisition de quelques œuvres de prix. A l’une d’elles fut acheté le Petit garçon au chien, chef-d’œuvre de Murillo ; c’est aussi à Paris que fut acquis le Retour de l’enfant prodigue de Rembrandt.

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Le Retour de l’enfant prodigue de Rembrandt acheté à Paris pour le compte de Catherine II !… Qui pourrait imaginer que le pauvre Rembrandt, dans tous le sens du terme, puisqu’il est mort abandonné et complètement ruiné, aura une reconnaissance un siècle plus tard ! Et surtout que ses tableaux seront recherchés par les collectionneurs du monde entier. A propos, quel est la valeur de ce tableau aujourd’hui ?

Guennady

L’exemple de Rembrandt comme d’ailleurs beaucoup d’autres démontre la fragilité et le hasard dans la carrière d’un artiste peintre. Quant au prix du Retour de l’enfant prodigue, il est inestimable tous simplement.

Mais continuons notre cours. A cette période, ce ne fut pas tant l’entrée d’œuvres isolées, quoique de la plus haute qualité, que celle de collections entières réunies par de véritables connaisseurs, qui fut propice à l’enrichissement rapide du fond de peinture de l’Ermitage.

La première de ces grandes acquisitions eut lieu en 1769 lors de l’achat à Dresde de la collection du comte de Brühl, ministre tout puissant de l’électeur de Saxe, Auguste III, roi de Pologne. Brühl avait été chargé d’effectuer des achats d’œuvres pour la Galerie de Dresde, ce qui ne l’empêcha pas, bien au contraire, de réunir une collection personnelle de grande valeur.

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Cette acquisition a eu un report avec la France ?

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L’histoire de cette collection ne touche pas directement la France, mais ce fut l’une des plus grandes acquisitions pour le Musée de l’Ermitage.

Elle comprenait, entre autres, quatre toiles de Rembrandt, quatre de Jacob van Ruysdaël et deux de Rubens. Ainsi, elle permit d’ouvrir les expositions hollandaises et flamandes à l’Ermitage. Les autres écoles y étaient représentées par quelques toiles au nombre desquelles figuraient des chefs-d’œuvre tels que la Mort de saint Joseph de Crespi, Mécène présentant les Arts à Auguste de Tiepolo et la Proposition embarrassante de Watteau. La collection Brühl renfermait aussi un excellent ensemble de dessins : 1076 feuilles de maîtres anciens et modernes, notamment l’Amour au violon de Titien et une Vue de la Campagne romaine d’Elsheimer. Ces feuilles s’ajoutèrent aux 6000 dessins faisant partie de la collection Cobenzl achetée à Bruxelles en 1768, et constituèrent le noyau du cabinet des dessins du département de l’Art d’Europe occidentale.

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Il parait que le Musée du Louvre serait ’ jaloux’ pour une collection prénommée Crozat partie à Saint-Pétersbourg avec notamment Danaé de Rembrandt ?

Guennady

J’y viens. En effet, l’achat le plus considérable eut lieu en 1772 : celui de la collection Crozat, l’une des plus riches galeries parisiennes. Elle contenait plusieurs chefs-d’œuvre parmi lesquels Judith de Giorgione, une Pietà de Véronèse, Bacchus de Rubens, Scène dans une taverne de Brouwer, Danaé de Rembrandt et bien d’autres encore. La collection Crozat enrichit également les expositions flamande et hollandaise de sept toiles de Rembrandt, huit de Rubens et de remarquables portraits de Van Dyck ; elle améliora aussi la qualité de l’exposition italienne par l’apport de tableaux de Raphaël, de Tintoreto et de Fetti. Elle permit enfin de mettre sur pied une exposition de peinture française avec des toiles de Poussin, Louis Le Nain, Mignard, Watteau, Lancret, Largillière et Chardin.

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Les tableaux des artistes français provenaient toujours de Paris ?

Guennady

Non, pas toujours. En 1779 l’Ermitage enregistra l’entrée de l’importante collection anglaise provenant de Houghton Hall. Cette riche galerie rassemblée par Walpole, premier ministre sous George II, comprenait 198 toiles parmi lesquelles les Charroyeurs de Rubens, le Concert des oiseaux de Snyders, une suite de portraits anglais de Van Dyck, quatre tableaux de Salvator Rosa, et des travaux des artistes français Lorrain, Poussin… La vente de la collection Walpole mécontenta l’opinion anglaise et donna même lieu à une interpellation au parlement. Mais l’ambassadeur russe à Londres, le comte A. Moussine-Pouchkine avait déjà versé 36.000 livres aux héritiers de Walpole, et rien ne put l’empêcher d’expédier les toiles en Russie.

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Au début de notre cours, vous avez mentionné les amis de Catherine II. Qui étaient-ils ?

Guennady

La prestigieuse chronique de la fondation de la galerie de l’Ermitage eut aussi des acteurs de marque… En effet, Catherine II avait réussi à trouver ses conseillers parmi les spécialistes d’art les plus réputés du XVIIIe siècle : le philosophe et critique d’art Denis Diderot, l’écrivain Melchior Grimm, le sculpteur Etienne Maurice Falconet, le collectionneur Tronchin, l’ambassadeur russe à La Haye et à Paris, le prince Golitsyne. C’est notamment sur l’initiative de ce dernier, et par l’entremise de Diderot et Tronchin que fut acquise la collection Crozat. C’est aussi grâce à Golitsyne que l’Ermitage reçut la collection Cobenzl, de même que certains tableaux de la collection de Jean de Jullienne.

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Comment se passait la négociation des tableaux à cette époque ?

Guennady

Certaines entrées sont parfois dues à des hasards : Paysage avec Polyphème de Poussin fut perdu aux cartes par le marquis de Conflans et tomba dans les mains de Diderot. A vrai dire, chaque cas a été unique.

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Mais pourquoi l’Ermitage n’achetait pas de tableaux directement auprès des artistes-peintres contemporains ?

Guennady

Mais, bien sûr que si ! La galerie de l’Ermitage entra en contact direct avec des artistes travaillant à cette époque, ce qui lui permit d’ajouter des toiles modernes à ses expositions. Ainsi entrèrent des travaux d’artistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle : la Nature morte aux attributs des Arts de Chardin (amenée à Saint-Pétersbourg par Falconet), des toiles de François Boucher, Louis-Michel Vanloo, Joseph-Marie Vien, etc…

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L’Ermitage (structure d’Etat en quelqu’un sorte) n’était sûrement pas le seul à s’intéresser aux collections d’Art occidental ?

Guennady

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Et oui, en même temps, en Russie, de nombreuses collections particulières voient le jour. Moins importantes que celles de l’Ermitage, elles renfermaient souvent des œuvres de la plus haute qualité. Certains de ces ensembles entrèrent à l’Ermitage dès la fin du XVIIIe siècle, aussitôt après le décès de leurs propriétaires ; tel est le cas des collections de G. Potemkine-Tavritcheski, A. Lanskoï (auquel appartenait la célèbre collection Baudouin, le banquier de Frédéric II) et de A. Teplov. Mais la plupart de ces galeries s’ajoutèrent aux expositions de l’Ermitage après la 1917, lors de leur nationalisation. L’intérêt que la société russe témoignait à l’égard des choses de l’art ne se bornait pas à la peinture. La collection de la cour de Russie, qui comprenait de nombreux objets d’art au Palais d’Hiver et ceux qui décoraient les autres résidences impériales de la capitale et de ses environs, s’enrichissait constamment de sculptures et de pièces décoratives sorties des mains d’artistes d’Europe occidentale. Et si nombre de pièces jouaient alors, à titre d’objets de luxe, un rôle pratique dans le décor des intérieurs, les sculptures, elles, furent dès leur apparition considérées comme des articles de musée.

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A propos, d’où vient l’unique oeuvre de Michel-Ange à l’Ermitage ?

Guennady

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De l’acquisition en 1785 de la collection de l’Anglais Lyde Browne, collection réunie en Italie et constituée principalement d’œuvres antiques, mais comprenant aussi des sculptures européennes. C’est d’elle que provient l’unique œuvre de Michel-Ange conservée en Russie: le Garçon accroupi, statue de marbre inachevée destinée au tombeau des Médicis de l’église San Lorenzo à Florence et qui n’entra pas dans son décor. La nouvelle collection fut alors placée dans la Grotte, l’un des pavillons décoratifs du parc de Tsarskoïe-Selo et ne fut transférée à l’Ermitage qu’à la fin du XIXe siècle. Dans cette même Grotte d’ailleurs se trouvait aussi la célèbre statue de Voltaire due au ciseau de Houdon.

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Voltaire a été un ami personnel de Catherine II. Quel est le histoire de cette statue ?

Guennady

Catherine II, qui entretenait une longue correspondance avec le philosophe, commanda en 1781 au sculpteur Houdon cette statue. Après l’acquisition de la bibliothèque de Voltaire, elle fut transférée dans une des salles du Palais d’Hiver.

L’Ermitage au XVIIIe siècle

par | 13 Mar 2001 | 0 commentaires

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