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L’Ermitage au XXe siècle

NAISSANCE DE L’ERMITAGE | XVIIIe | XIXe | XXe
par le peintre russe Guennady.

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Est-ce que les personnalités des différents directeurs de l’Ermitage
a eu un impact sur ses collections?

Guennady
Bien évidemment. Au début du XXe siècle la galerie de peinture de
l’Ermitage fut dirigée par deux éminents historiens d’art russes, E.
Liphart et D. Schmidt qui firent d’excellentes acquisitions et dont
l’intense activité muséologique ne manqua pas d’attirer l’attention de
l’opinion publique. Les donations se firent plus fréquentes. Ainsi
entrèrent à l’Ermitage les Apôtres Pierre et Paul du Greco (de
la collection P. Dournovo) et quelques portraits anglais du XVIIIe
siècle, dont la Dame en bleu peint par Thomas Gainsborough (de la
collection A. Khitrovo). L’exposition italienne s’enrichit alors (en 1911)
de plusieurs toiles faisant partie de la collection G. Stroganov (Rome),
notamment une Madone de Simone Martini, et de tableaux de la
collection S. Stroganov (Saint-Pétersbourg). Sur l’initiative de Liphart
et de Schmidt, l’Ermitage entra en possession de la fameuse collection de
l’explorateur et savant russe Semionov-Tianchanski, ensemble de 700 toiles
de maîtres flamands et hollandais qui jouissait d’une grande renommée
auprès des spécialistes de l’époque. Cette entrée fit de la section
hollandaise de l’Ermitage l’une des plus riches au monde.

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L’Ermitage a reçu grâce à Liphart une autre Madone « à la
fleur »
de Vinci?

Guennady
C’est à la personnalité de Liphart que l’Ermitage doit son second
chef d’œuvre de Léonard de Vinci, la Madone à la fleur. Ce
tableau qui au début du XIXe siècle figurait dans la collection du
marchand d’Arkhangelsk Sapojnikov, ne fut attribuée au grand maître et
rattachée à sa première période qu’en 1908. Liphart dut dépenser
beaucoup d’énergie pour vaincre les doutes concernant son authenticité
et pour qu’elle fût achetée, en 1914, à madame Maria Benois (de la
dynastie Benois), née Sapojnikova, qui l’avait
héritée de son père.

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Et enfin, la Révolution russe et l’Ermitage?

Guennady
Certes, une nouvelle étape dans l’histoire du musée commença après
1917. La collection d’art appliqué se vit considérablement augmentée
grâce à la nationalisation et l’entrée de pièces provenant des palais
de Tsarskoïe-Selo et des hôtels de la noblesse (Cheremetev, Youssoupov,
Bobrinski, Kotchoubeï, Dolgorouki, Paskevitch et beaucoup d’autres),
ainsi que d’importantes collections. Parmi les plus remarquables, citons
celle du peintre et archéologue M. Botkine qui apporta de précieuses
pièces datant du Moyen Age et de la Renaissance; celle du Musée de
l’Écurie avec ses carrosses des XVIIIe et XIXe siècles et ses
tapisseries; celle du musée de la Société d’Encouragement des Arts:
celle du musée de l’Institut des Arts  industriels, fondé par A.
Stieglitz, avec ses meubles rares des XVe – XIXe siècles (y compris des
créations françaises), ses tapisseries flamandes, allemandes et
françaises des XVe et XVIe siècles, sa verrerie, ses majoliques, ses
ivoires et son orfèvrerie. La porcelaine d’Europe occidentale constitua
une riche collection renfermant des pièces issues des célèbres
manufactures de Meissen, Sèvres, Berlin, Copenhague, Vienne et d’autres
manufactures privées et provinciales. La section des arts appliqués
ouvrit aussi une exposition de tissus et de broderies.

Le fonds de la section des dessins fut largement agrandi. Si au XIXe siècle
elle n’avait enregistré que de rares entrées, elle reçut à présent
une énorme quantité de feuilles provenant des collections Youssoupov et
Mordvinov, du musée de l’Ecole des Arts industriels Stieglitz (ensemble
réuni par S. Yaremitch).

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Nationalisation ou expropriation?

Guennady
Je pense les deux. En tous cas, l’Ermitage a  reçut aussi la
meilleure partie de la collection d’art graphique de l’Académie des
Beaux-Arts. Cet ensemble comprenait entre autres, depuis 1768, l’ancienne
collection I. Betskoï dont on avait presque oublié l’existence et que
l’on venait de redécouvrir. Il sera facile d’en juger la haute qualité
si nous signalons qu’elle possédait des œuvres telles qu’un Portrait de
groupe d’École de Roberti et une Madone d’Albrecht Durer.

Parmi les entrées enregistrées par la section de sculpture d’Europe
occidentale après 1917, nous mentionnerons la collection Farsetti (du
musée de l’Académie des Beaux-Arts), les sculptures sur bois allemandes
et néerlandaises des XVe et XVIe siècles, ainsi que les bronzes
français et italiens (des musées de l’Ecole Stieglitz et de la Société
d’Encouragement des Arts), les travaux d’Aristide Maillol, Franz von Stuck,
Max Klinger et d’autres maîtres de la fin du XIXe et du début du XXe
siècle (du Musée de l’Art Occidental Moderne de Moscou); de même que
les œuvres de Guiseppe Mazzuola, Etienne Falconet, Jean-Antoine Houdon et
Auguste Rodin.

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En résumant pour nos amis passionnés d’Art, quelles sont selon vous
les meilleures collections de peintures de l’Ermitage classées par pays?

Guennady
L’intérêt d’un musée comme l’Ermitage fut d’ouvrir une exposition
de peinture (organisée d’après un principe chronologique et concentrée
sur les étapes essentielles de l’histoire de l’art d’Europe occidentale)
donnant une image complète de toutes les grandes écoles nationales, et
cela par des œuvres de la plus haute qualité illustrant tous les genres.

La collection italienne des XIIIe-XVIIIe siècles reçut des
échantillons de l’école de Pisé (XIIIe siècle), des toiles d’Ugolino
Lorenzetti, Nardo di Cione, Spinello Aretino, Filippo Lippi, Alvise
Vivarini, Lorenzo Costa, Francesco Francia, Filippino Lippi, Titien,
Véronèse, Lorenzo Lotto, Pontormo, Bartolommeo Manfredi, Luca Giordano,
Bernardo Strozzi, Francesco Guardi, Alessandro Magnasco, Bernardo
Bellotto, Antonio Canal, Pompeo Batoni, Tiepolo, etc.

Les collections néerlandaise, hollandaise et flamande se
complétèrent de travaux de Hugo van der Goes, Pieter Bruoghel le Jeune,
Frans Floris, Rubens, Jacob Jordaens, Adriaen Bloemaert, Gérard Terborch,
Jan Steen, Gabriel Metsu, Salomon et Jacob van Ruysdael, Willem Claesz
Heda, Albert Cuyp, Pieter Claesz, ainsi que des tableaux de l’école de
Rembrandt.

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Et la collection de peinture française?

Guennady
Une excellente collection de peinture française fut constituée
grâce aux nouvelles entrées. Hormis quelques rares exceptions, le Musée
de l’Ermitage possède des œuvres de tous les grands peintres de France
et en ce qui concerne les XVIIe et XVIIIe siècles cette collection peut
être comparée à celle du Louvre.

Un événement d’une importance considérable fut l’apparition dans les
salles du musée d’une exposition de tableaux de peintres d’Europe
occidentale des XIXe – XXe siècles. Elle eut pour base la célèbre
galerie de N. Koucheliov-Bezborodko qui était en Russie la première et
la meilleure collection de peintures françaises et allemandes du XIXe
siècle. Par donation testamentaire elle passa en 1862 à l’Académie des
Beaux-Arts d’où, en 1922, elle fut transférée à l’Ermitage. Elle
apporta au musée des œuvres d’Eugène Delacroix, de Paul Delaroche, de
Théodore Rousseau, Jean François Millet, Camille Corot, Ludwig Knaus,
Andréas et Oswald Achonbach, etc.

Tous
ces tableaux, ainsi que ceux décorant divers palais nationalisés,
permirent de présenter une évolution assez complète de l’art européen
du XIXe siècle. Le seul point faible de ces  acquisitions était
l’absence de tableaux de peintres dont l’art est aujourd’hui considéré
comme le plus brillant témoignage de la culture artistique du dernier
tiers du XIXe – début du XXe siècle.

Mais cette lacune fut bientôt comblée par l’entrée des toiles des
collections S. Chtchoukine et I. Morozov transférées en 1930-1932 et
1948 du Musée de l’Art Occidental Moderne de Moscou. A présent cette
exposition d’art français est l’un des attraits du Musée de l’Ermitage.
Elle renferme des toiles de Claude Monet, Auguste Renoir, onze tableaux de
Paul Cézanne, des œuvres de Vincent van Gogh, Paul Gauguin, Maurice
Denis, Albert Marquet, André Derain, Pablo Picasso. On peut y voir
notamment des œuvres capitales telles que les panneaux Danse et Musique
de Matisse et le triptyque de Bonnard A a bord de la Méditerranée.

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Comment et quand ces tableaux ont atterri chez les collectionneurs
Chtchoukine et Morozov? Ils les achetaient où?

Guennady
Ils les achetaient à Paris pour la pulpart directement chez les
artistes -peintres eux-même. Vous vous rappelez qu’à cette époque les
artistes étaient incompris et n’étaient pas célèbres. Ils sont devenu
célèbres grâce au coup de pouce de Chtchoukine et Morozov qui n’hesitaient
pas donner un bon prix, en quelques mots.

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Comment la collection d’Ermitage se complète aujourd’hui?

Guennady
De nos jours les collections d’art d’Europe occidentale sont
complétées par des acquisitions faites par la Commission d’Achats
(notamment une Pietà de Bellange), ainsi que par les donations des
collectionneurs, artistes et amateurs. Ainsi sont entrées des œuvres
telles que le Portrait d’Antonia Zârate de Goya offert par le
collectionneur américain A. Hammer, des sculptures et dessins de Matisse
envoyés de Paris par L. Délectorskaya. A l’heure actuelle, la collection
de sculpture s’élève à plus de deux mille pièces illustrant une
période allant du Moyen Age jusqu’à nos jours. Elle continue à recevoir
de nouvelles œuvres et parmi celles-ci, trois créations d’Henri Matisse
et le grand masque tragique de Beethoven d’Antoine Bourdelle.

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Un dernier mot pour la fin?

Guennady
L’art d’Europe occidentale est représenté au Musée de
l’Ermitage par des travaux qui méritent à juste titre toutes les
éloges que l’on se plaît à formuler au spectacle de véritables
chefs d’œuvre qui sont la merveilleuse manifestation du génie
spirituel de l’Humanité!

A bientôt pour les prochains cours! Sur Russie.net.

Merci beaucoup Guennady!

L’Ermitage au XXe siècle

par | 13 Mar 2001 | 0 commentaires

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