Les bijoux en argent massif témoignent du haut degré d’habileté des orfèvres russes. Les artisans russes maîtrisent les techniques les plus difficiles : filigrane, granulation, niellage et alliage de métaux précieux. A côté des productions en série, ils fabriquent de délicats bijoux d’or et d’argent. Ces objets livrent une image vivante de la société russe actuelle.
La célèbre marque russe ‘Oustioug du Nord’ de gravure sur argent niellé.
La Russie, durant fort longtemps, n’eut pas de ressources propres en métaux précieux. C’est pourquoi un édit de l’empereur Pierre 1er du 24 août 1700 institua un Etablissement, des Mines, chargé d’organiser les travaux de « recherche de mines d’or, d’argent et autres ». Grâce à l’activité que déploya ce service fut ouverte en Transbaïkalie, près de Nertchinsk, en 1704, la première usine de transformation des minerais d’argent, si bien qu’à partir de l’époque de Pierre le Grand, ceux qui, en Russie, travaillaient ce métal n’utilisèrent plus que de l’argent russe.
L’or, en revanche, fut importé venant des pays d’Europe occidentale et de Turquie, Ce n’est qu’en 1745 qu’on découvrit dans l’Oural, non loin d’Ekaterinenbourg, le premier gisement d’or, et qu’on cessa presque entièrement d’importer le précieux métal.
Les artisans qui en Russie travaillaient l’argent surent bien vite reprendre à leur compte ces formes de vaisselle et ces décors, mêlant étroitement les luxueuses compositions de fleurs et de fruits exotiques qui caractérisaient l’ornement européen de l’époque avec le décor russe traditionnel « en herbe », c’est‑à‑dire en rinceaux. Même pour les objets liturgiques on faisait appel aux modalités nouvelles de l’ornementation : rinceaux compliqués et fleurs fantastiques dans lesquelles on pouvait reconnaître les contours des tulipes, des œillets, des pivoines…
A la différence de ceux de la capitale, les orfèvres de Moscou et de la Province possédaient à merveille la technique rare et très complexe de la gravure sur argent niellé. Le décor en nielle est une très ancienne tradition russe qui remonte à la plus haute antiquité. L’un de ces chefs d’œuvre de l’art du niellage, d’une grande originalité, est un plateau portant une carte de la mer Noire. Il est l’œuvre d’un artiste moscovite anonyme en 1774 et a été offert en juillet 1775 au grand‑duc Paul Petrovitch et à la grande‑duchesse Natalia Alexeevna en l’honneur de la victoire dans la guerre russo‑turque de 1768‑1774.
La couleur naturelle de l’argent indique les possessions de la couronne russe, surtout la presqu’île de Crimée. L’argent doré marque les territoires turcs. Comme pour prolonger les vieilles traditions russes du travail de l’argent, le bord porte une grande inscription dédicatoire niellée, qui constitue un élément important dans le décor du plateau.
L’influence de la tradition moscovite du nielle se fit sentir sur la production de nombreux centres artistiques du Nord russe et de la Sibérie. Aux environs des années 1710, Tobolsk connaît un bref essor de la niellure. Le gouverneur de Tobolsk, D. I. Tchitchérine fit beaucoup pour y développer le travail de l’argent. Il commanda lui‑même aux artisans locaux un grand service de table. Sur les théières, les sucriers, les gobelets étaient figurées des scènes de chasse avec des paysages, des personnages, des animaux, toujours porteurs de traits de couleur locale.
Le nielle (‘nigellum’ en latin) est une technique qui consiste à remplir une gravure en argent avec un amalgame spécial majoritaire d’argent, de plomb, de cuivre et de souffre. On obtient ainsi une très belle décoration avec différentes nuances selon le pourcentage de souffre.Outre Saint‑Pétersbourg, devenu pour tout l’empire russe la référence absolue dans le domaine du travail de l’or et de l’argent, des artisans œuvraient activement dans les autres foyers traditionnels, Moscou, Veliki Oustioug, Iaroslavl et Novgorod.
L’énorme quantité de pièces d’orfèvrerie et d’ustensiles d’or et d’argent accumulée en un siècle dans les résidences impériales manifestait aux yeux des Européens la richesse et la splendeur de la Cour impériale, rehaussant le prestige de l’empire russe et témoignant de sa puissance économique.
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