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Total empêtré dans un imbroglio franco-russe datant de l’époque Elf

Arbitres jugés partiaux, contrat ressorti de la tombe et vieilles connaissances de l’époque Elf : le géant pétrolier Total est empêtré dans un ténébreux litige franco-russe, une tentative d’escroquerie sans fondement selon le groupe qui se voit réclamer plus de 22 milliards de dollars.

Dans cette affaire, tout remonte à un contrat d’exploration pétrolière signé en février 1992 entre une filiale d’Elf Aquitaine, Elf Neftegaz, et la société russe Interneft avec, selon Total, pour « témoins » les provinces russes de Saratov et Volgograd, dans le sud-ouest de la Russie.

L’intime de l’empire Elf, André Guelfi alias « Dédé la Sardine », apparaît lui via sa société Nobleplac pour jouer les entremetteurs dans le monde prometteur ouvert par la fin de l’Empire soviétique.

Mais le contrat est soumis à des conditions suspensives –une évolution de la règlementation russe– qui ne seront jamais remplies. En 1994, le constat d’échec s’impose et, selon Total, le contrat devient caduc en 1995.

L’Eldorado russe d’Elf, alors dirigé par Loïk Le Floch-Prigent, tombe dans l’oubli. En parallèle, le groupe français tente de solder tous ses comptes avec André Guelfi en lui versant l’équivalent de 7 millions d’euros et en 2000, le fleuron pétrolier public est avalé par Total.

Neuf ans plus tard, alors que M. Guelfi, qui réclamait à Total des sommes colossales pour services rendus, est débouté par le Tribunal de Commerce de Paris, les deux provinces russes sortent soudainement de leur torpeur et réclament pas moins de 22,4 milliards de dollars.

Selon elles, le contrat de 1992 reste bel et bien en vigueur et elles doivent être indemnisées.

Tout s’enchaîne : l’avocat français Olivier Pardo, un proche de M. Guelfi, obtient du tribunal de Nanterre le 28 juillet 2009 la nomination d’un mandataire pour ressusciter Elf Neftegaz –dissoute en 2005– en vue d’un arbitrage, une juridiction privée devenue courante dans le monde des affaires.

Sans que Total ne soit prévenu, le mandataire désigne Jean-Pierre Mattei, ancien président du tribunal de commerce de Paris, comme arbitre d’Elf Neftegaz.

Interneft nomme de son côté Laï Kamara, administrateur de biens et ancien conseiller de Maurice Papon au ministère du Budget à la fin des années 70, le trio étant complété le 4 septembre par l’avocat autrichien Andreas Reiner qui préside le tribunal.

C’est ce tribunal d’arbitrage siégeant à la chambre de commerce de Stockholm, comme le prévoit le contrat russe, qui serait chargé de décider si le contrat est bien entré en vigueur.

Malgré l’annulation le 18 septembre de la nomination du mandataire Charles-Henri Carboni par le TGI de Nanterre, M. Mattei refuse de se démettre, ce qui accroît les suspicions de Total.

Depuis, Total, convaincu que ce tribunal privé fait partie d’une cabale pour l’extorquer de milliards via un jugement arrangé, tente par tous les moyens de faire révoquer les arbitres –pour l’instant sans succès– en multipliant les procédures y compris au pénal pour « escroquerie en bande organisée ».

Des perquisitions ont été menées vendredi dernier chez M. Mattei, M. Kamara, M. Carboni ainsi qu’au cabinet de Me Pardo, selon des sources proches du dossier, pour trouver des preuves d’un éventuel arrangement.

Même s’il a fait reconnaître la caducité du contrat par deux tribunaux français, Total a pour l’heure fait chou blanc sur d’autres volets : en juillet, la chambre d’arbitrage de Stockholm le déboute de sa demande de révocation du trio arbitral.

Le 12 octobre, la Cour de Cassation française a fait de même en disant qu’il n’appartenait pas au juge français d’intervenir dans le déroulement d’un arbitrage international. Une décision contraire aurait d’ailleurs menacé l’ensemble des florissants arbitrages de la place de Paris, fait valoir un bon connaisseur du dossier.

Total empêtré dans un imbroglio franco-russe datant de l’époque Elf

par | 30 Oct 2011 | 0 commentaires

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