La domra actuelle présente une caisse arrondie de sept éclisses en érable onde, une touche et un manche en ébène, une table d’harmonie ovale en épicéa, une tête ouvragée, un protège-table et une rosace joliment découpés.

Si Champollion a su décoder les hiéroglyphes et repérer grâce au dessin du luth égyptien que son nom était le tanbûr, il n’aura jamais su que celui-ci avait une relation avec la dombra mongolo-tatare. Quand le Khan Batu, le petit-fils de Gengis Khan qui vint envahir la Russie avec sa Horde d’Or vers 1237, importe cette dombra, les Russes, n’ayant pas d’instrument du type luth joué au plectre, s’en emparent et la russifient en domra.

L’instrument est piriforme avec un long manche. Trois à quatre cordes en boyau sont pincées ou jouées au plectre, petite pièce en bois, en plume ou en cuir. Si les Orientaux en jouent par terre, à croupetons, les Russes la jouent assis ou debout. Ce sont les histrions de la Renaissance, ces skomorokhi acrobates, dresseurs d’ours et habiles musiciens qui vont former des ensembles de domras: domrichko (soprano), domra (ténor), domra bassistaïa (basse). La caisse varie selon la tessiture. Diatonique surtout, l’instrument n’est pas très sonore. On peut encore entendre ses nombreux cousins au Pakistan ou en Afghanistan, dambura au Kazakhstan, dumbura au Kurdistan, tanbûra, tanboura en Grèce et dans les Balkans, tanbura, tanburitsa en Turquie; en Irak, kabîr turkî.

En 921, Ibn Fadlân, grand voyageur arabe, décrit la domra lors de son périple dans la Région de la Volga. Mais c’est très récemment qu’un savant russe, M. Imkhanitski, a fait le rapprochement que l’instrument, dessiné ou peint sur des évangéliaires (dont l’un est daté de 1524), des psautiers et des icônes du XVIe siècle, tenu par les musiciens entourant le Roi David, était une domra. Mais ne serait ce pas là un luth primitif originaire de Sumer ou de l’Inde? On a trouvé dernièrement dans les fouilles archéologiques d’Afrassiab, en ex-Sogdiane, près de Samarkand, une figurine tenant un luth qui remontrait au 1er, voire même au IIIe siècle avant J.-C. La domra en serait-elle issue? Au Moyen Âge elle se serait appelée bar-bat, ce que les Arabes auraient pu traduire par ûd, oud signifiant bois (instrument fait en bois). L’évolution « tanbûr-luth-oud-domra » aurait son équivalence inversée dans la filiation « domra-balalaïka ». En effet, Andréïev prit, en 1896, une balalaïka primitive hémisphérique pour une domra et aidé de son génial luthier Siméon Nalimov, le « Stradivarius russe », il s’en servit comme parangon pour construire la famille des domras. Nalimov fît jusqu’à trente prototypes pour arriver à la modéliser! L’instrument, de la piccolo à la contrebasse à pique, est chromatique, muni de trois cordes, (Mi, La, Ré à différentes octaves), toujours métalliques, (Si, Mi, La) pour la piccolo; la ténor sera abandonnée, la contrebasse peu souvent utilisée.

La domra actuelle présente une caisse arrondie de sept éclisses en érable onde, une touche et un manche en ébène, une table d’harmonie ovale en épicéa, une tête ouvragée, un protège-table et une rosace joliment découpés. Dimensions pour la malaïa domra, la soprano : L = 600 mm, diamètre de la table Ø = 250 mm. Les cordes sont métalliques, filetées pour les plus basses. L’usage du plectre (piorko) en écaille de tortue ou, de nos jours, en matière synthétique, n’exclut pas un traitement à main nue hérité du jeu balalaïkistique. Le domriste joue assis, soit en posant la domra sur la cuisse droite elle-même posée sur la cuisse gauche, soit en surélevant le pied gauche grâce à un petit tabouret. Une lanière la maintien quelquefois.
En 1908, une version à quatre cordes fut construite, en famille, par M. Karaoulov, alias G. Lioubimov (1882-1934) et S. Bourov, son luthier. L’instrument, moins sonore que la domra andréïevienne, est accordé à la quinte, ce qui lui ouvre le répertoire de la mandoline ou du violon, limité toutefois par l’emploi du plectre. Nalimov en construisit aussi. Depuis vingt ans, le domriste V. Nikouline, aidé du luthier A. Iviévitch, joue en virtuose sur une version mixte à trois ou quatre cordes dont la plus basse peut être ôtée ou mise pendant le jeu si une césure le permet.

La domra jouée en soliste, famille, ensemble ou orchestre, inspire de nombreux compositeurs à l’instar de ceux qui écrivent des oeuvres pour la balalaïka ou le baïan. Elle montre des qualités de timbre, d’attaques, de souplesse, de vélocité qui émerveillent. Son ambitus s’élargissant, elle s’adapte à la musique traditionnelle, classique et contemporaine. Les domristes les plus connus sont Alexéïev, Alexandrov, Bélov, Volskaïa, Nikouline, Lyssenko, Mikhéïev, Chytenkov, Krouglov, Iakoviev, Tsygankov, et leurs très nombreux élèves, etc.. En France nous avons eu le grand V. Zoubritsky de l’orchestre de Dima Liakhoff.

Micha Makarenko

La Dômra

par | 4 Avr 2010 | 0 commentaires

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