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La Fête de la Victoire a un goût amer en Russie

La Russie est frappée la semaine dernière par l’une de ses pires catastrophes minières depuis vingt ans. Le bilan passe à 66 morts, les secours sont suspendus. Inaugurée en 1973, la mine de Raspadskaïa appartient à 40% au groupe Evraz, contrôlé par le milliardaire russe Roman Abramovitch.

La Russie, frappée la semaine dernière par l’une de ses pires catastrophes minières depuis vingt ans, tarde à améliorer la sécurité dans ses galeries au risque de sacrifier des vies sur l’autel de la rentabilité, estiment des experts.

Soixante-six personnes sont mortes dans un double coup de grisou survenu dans la nuit de samedi à dimanche à la mine de charbon Raspadskaïa, dans le bassin du Kouzbass (3.000 km à l’est de Moscou). Vingt-quatre personnes sont toujours portées disparues.
Il s’agit de la deuxième catastrophe minière la plus meurtrière dans la Russie post-soviétique, après une explosion survenue en mars 2007 dans une autre mine de cette région, qui avait fait plus de 100 morts.

Cette tragédie intervient alors que la Russie célèbre dimanche en grande pompe son principal jour férié, la fête de la Victoire sur l’Allemagne nazie.

« Les secouristes ont découvert six autres corps. Ainsi, le bilan est passé à 66 morts. Vingt-quatre personnes sont toujours portées disparues », a déclaré l’expert militaire en chef du ministère, Pavel Plat, cité par l’agence Interfax.

Un précédent bilan faisait état de 60 morts et 30 disparus.
Pour l’instant, la situation (…) s’est nettement détériorée. La concentration de méthane dépasse la norme admissible de 7%. Les opérations de secours ont été suspendues.
Plusieurs incendies se sont également déclarés au fond de la mine Raspadskaïa, dans la région de Kemerovo.

Une première explosion dans cette mine, située dans le bassin minier du Kouzbass (3.000 km à l’est de Moscou), a eu lieu samedi soir au moment où y travaillaient 370 mineurs.

Une deuxième explosion, plus puissante, s’est produite quelques heures plus tard après l’arrivée des premiers sauveteurs.

Les accidents mortels dans les mines de Russie, comme ailleurs en ex-URSS, sont assez courants, en raison de la vétusté des infrastructures et des violations des règles de sécurité.

Si les causes de cette double explosion restent pour l’heure inconnues, le parquet général a ouvert une enquête pénale pour « violation des règles de sécurité ».

« Je ne peux pas pour l’instant anticiper sur les résultats, mais il est tout à fait évident que des conditions technologiques ont favorisé d’une façon ou d’une autre la survenue de cet événement tragique », a déclaré, sibyllin, le président russe Dmitri Medvedev lors d’une réunion jeudi.

Pour Sergueï Smirnov, directeur de l’institut de politique sociale à l’ Ecole supérieure d’Economie, cet événement n’est pas surprenant. En Russie, « on se soucie de la santé et de la sécurité des mineurs cinq fois moins que dans les autres pays développés », dit-il.

L’une des raisons des nombreux accidents qui endeuillent la Russie est que « l’Etat veut accroître la compétitivité de la production russe sur le marché mondial », notamment via des prix défiant toute concurrence, explique M. Smirnov.

Or, « le prix du charbon russe est moins élevé parce que les patrons économisent sur les mesures de sécurité, et l’Etat ferme les yeux », ajoute-t-il.

L’un des principaux problèmes réside dans l’absence de règles précises sur l’évacuation du méthane, estiment de nombreux spécialistes.

« En Russie, (…) des niveaux élevés de méthane sont un problème critique pour la sécurité dans les mines de charbon », soulignait l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport publié en décembre.

Si aux Etats-Unis, la limite autorisée est de 20 mètres cubes de méthane pour une tonne de charbon, dans le Kouzbass, il n’existe pas de règle, indiquait mercredi le quotidien officiel Rossiïskaïa Gazeta, ajoutant que dans cette région minière, seule la productivité compte.

Selon Sergueï Chatirov, vice-président de la commission pour la politique industrielle au Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement russe), cité par le journal, les autorités russes ont pris conscience de ce problème: en 2008, un projet de loi a été élaboré par le gouvernement mais il n’a jamais été adopté.

« Selon des experts indépendants, l’application de cette loi exigerait des propriétaires des dépenses financières supplémentaires pour mettre en place des systèmes de dégazage des mines », explique Rossiïskaïa Gazeta.

Le manque de discipline des mineurs eux-mêmes est une autre cause des accidents. « Le malheur de l’ouvrier russe est qu’il ne suit jamais les instructions », et n’hésite pas à prendre des risques, juge M. Smirnov.

Le quotidien Troud rappelait mercredi que les mineurs étaient toujours payés au rendement. « Ce n’est un secret pour aucun mineur que les ouvriers collent souvent du ruban isolant sur les instruments de mesure du méthane pour qu’ils ne réagissent pas lorsque la concentration en gaz augmente », révélait-il.

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par | 13 Mai 2010 | 0 commentaires

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