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Medvedev préfère la démocratie dirigée à la démocratie parlementaire

Le président russe Dmitri Medvedev a estimé vendredi qu’un régime parlementaire serait « une catastrophe » pour la Russie, pays qui fait peu de cas du pluralisme à l’occidentale.

Le président russe Dmitri Medvedev a estimé vendredi qu’un régime parlementaire*** serait « une catastrophe » pour la Russie, pays qui fait peu de cas du pluralisme à l’occidentale.

S’exprimant lors d’un forum d’experts internationaux à Iaroslavl (280 km au nord-est de Moscou), M. Medvedev a indiqué qu’il ne voulait pas d’un régime parlementaire, comme celui institué récemment au Kirghizstan, une ex-république soviétique où deux présidents autoritaires ont été renversés en cinq ans.

« On nous parle de démocratie parlementaire et nos amis kirghiz ont choisi cette voie. Mais pour la Russie, comme je le crains aussi pour le Kirghizstan, la démocratie parlementaire serait une catastrophe », a déclaré M. Medvedev, cité par les agences russes.

Le système politique russe est dominé par le président et l’influent Premier ministre, Vladimir Poutine. La chambre basse du parlement (Douma), où le parti Russie unie du chef du gouvernement est ultra-majoritaire, se contente généralement de voter les lois proposées par l’exécutif.

« Ceux qui disent que nous sommes dans un régime totalitaire dénaturent la vérité ou ont mauvaise mémoire », a ajouté M. Medvedev.
Volontiers présenté comme un personnage plus libéral et plus soucieux de démocratie que son prédécesseur, Vladimir Poutine, le président Medvedev a déçu ceux qui attendaient de lui des changements de fond dans le pays depuis son arrivée au Kremlin au printemps 2008.

Le chef de l’Etat, qui a fait de la modernisation de la Russie l’un des principaux chantiers de son mandat, a de nouveau insisté sur ce point devant les politologues russes et étrangers réunis à Iaroslavl.
« Je voudrais que le peuple, et pas seulement le président et l’élite politique, soit le ‘modernisateur’ du pays », a souligné M. Medvedev.

Le président russe a cependant relevé que la principale difficulté du développement de la démocratie en Russie réside dans le fait que « le peuple ne semble pas conscient de sa responsabilité et de son implication dans le processus politique ».

Dans la Russie actuelle, aucune force sociale ne peut lutter efficacement pour la démocratisation du régime.

Le terme « démocratie dirigée » (« managed democracy ») a été appliqué à la Russie tant par les apologistes que par les critiques du régime actuel. Les « démocraties dirigées » préservent les parures de la démocratie et tolèrent, de manière variable, les droits politiques et une opposition politique organisée. Cependant, ceux qui contrôlent les appareils coercitifs de l’État n’hésitent pas à violer la loi et les normes démocratiques admises pour assurer la continuité de leur pouvoir. A première vue la différence qualitative entre la dictature et la « démocratie dirigée » pourrait sembler négligeable.

En Russie actuelle, il n’y a aucune séparation de pouvoirs dans l’État russe, aucune entrave ni limite du pouvoir de l’administration centrale qui domine tous les secteurs et tous les niveaux du gouvernement. Le président peut, s’il le souhaite, dicter sa volonté à n’importe quel fonctionnaire de l’État.

Les rapports avec les régions constituent un autre terrain où Poutine a renforcé « la direction » de la « démocratie ». A la fin de 2004 la Douma a adopté une loi permettant au président de nommer les 89 gouverneurs des régions, dont les postes furent électifs durant une décennie.

Beaucoup d’efforts ont visé l’élimination de ses rivaux potentiels. Une campagne bien orchestrée dans les médias étatiques de « publicité noire » (comportant des allégations criminelles sérieuses), menée de pair avec les pressions exercées sur ses sympathisants et avec leur corruption, a ainsi mis une fin rapide aux aspirations présidentielles du maire de Moscou, Youri Luzkov, qui a en conséquence intégré son parti (Otiétchestvo : « La Patrie ») dans le bloc « Russie unie » de Poutine. Cela a garanti à Poutine que son principal opposant lors de l’élection présidentielle de 2000 serait Guennadi Ziouganov, le dirigeant du Parti communiste russe, qui n’avait aucune chance de l’emporter.

Le pouvoir judiciaire est également soumis à l’exécutif. Bien que Poutine ait promis « la dictature de la loi », il applique celle-ci de manière sélective pour punir ses compétiteurs politiques. Les exemples les plus connus sont les poursuites contre les oligarques (le grand capital) Berezovsky et Khodorovsky, qui ont été choisis parce qu’ils utilisaient leur richesse pour s’opposer à Poutine.

Indépendamment de la démoralisation et de la faiblesse de la société civile, toute « démocratie dirigée » est fondamentalement instable. Il est difficile d’affirmer que les sociétés civiles en Géorgie, en Ukraine ou au Kirghizistan étaient plus robustes à la veille de leurs « révolutions de couleurs » que ne l’est aujourd’hui la société civile en Russie. Outre une vague de fond de mécontentement populaire, le principal ingrédient de ces « révolutions » est une opposition organisée capable d’apparaître en tant qu’une alternative crédible face au régime existant et de devenir ainsi un pôle d’attraction du mécontentement populaire. Les actes du tandem Medvedev-Poutine visant à renforcer la « direction de la démocratie » tentent ainsi à bloquer l’émergence de toute alternative crédible et de détourner le mécontentement populaire du président.

Ce n’est pas que la bourgeoisie craigne un soulèvement populaire, qui semble présentement hautement improbable – bien que la confiance dans la capacité de Poutine de contrôler les classes populaires ait été secouée par la révolte des retraités en janvier dernier et la gestion de la sécheresse cet été. Mais il serait très tentant pour un leader oppositionnel, si un tel dirigeant pouvait émerger, d’encourager l’attitude populaire qui existe contre les oligarques. Même les intellectuels russes pro-occidentaux, qui prétendent favoriser la démocratie, se sentent obligés de mettre en garde les potentiels leaders démocrates contre « le populisme exaspéré » qui pourrait « détruire le marché en utilisant les méthodes bolcheviques pour réparer les injustices en s’en prenant aux riches ».

Bien sûr Poutine n’est pas immunisé contre la tentation « populiste », mais ses politiques libérales, qui bénéficient également du soutien généralisé de sa base au sein de l’exécutif, y compris des « structures du pouvoir » (les anciens KGBistes s’empressent de construire leurs propres empires marchands avec l’appui du Kremlin) et qui laissent finalement un grand pouvoir économique entre les mains du capital privé, mettent des limites claires à son « populisme ».


***La démocratie parlementaire est une forme de démocratie moderne. Elle va souvent de pair avec la démocratie représentative, dite aussi démocratie indirecte, par opposition avec la démocratie directe. Cette forme de démocratie s’appuie comme son nom l’indique sur une institution principale, le Parlement, composés de représentants élus du peuple, c’est-à-dire des citoyens. Le parlement fait la loi (pouvoir législatif) et élit éventuellement le gouvernement (pouvoir exécutif). C’est le type de démocratie le plus répandu dans le monde actuel.

Aujourd’hui, on parle également de régime parlementaire, c’est-à-dire un régime démocratique dans lequel le parlement domine (Allemagne, Royaume-Uni, Serbie, Italie, Espagne), par opposition au régime présidentiel (États-Unis) ou semi-présidentiel (France), où le président de l’exécutif domine.

La démocratie parlementaire n’est pas nécessairement en opposition avec la démocratie directe : ainsi, en Suisse, les citoyens peuvent voter eux-mêmes fréquemment sur différents sujets, lors des votations. Démocratie parlementaire indirecte et démocratie directe se combinent alors dans la voie de la démocratie participative. Bien que plus rare, le procédé du référendum, en France, est similaire.

Medvedev préfère la démocratie dirigée à la démocratie parlementaire

par | 10 Sep 2010 | 0 commentaires

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