Le Kremlin a qualifié vendredi de « blasphématoires » deux dessins publiés par Charlie Hebdo sur le crash de l’Airbus russe qui a fait 224 morts samedi dans le Sinaï, l’hebdomadaire satirique français dénonçant de son côté une « instrumentalisation ».
« Dans notre pays, ça s’appelle du blasphème, au sens large du mot, cela n’a rien à voir ni avec la démocratie, ni avec la liberté d’expression », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a également qualifié d' »inacceptables » les caricatures de Charlie Hebdo.
M. Peskov a toutefois précisé que la Russie n’allait pas demander d’explications à Paris concernant ces deux dessins publiés mercredi, dont l’un montre un islamiste se protégeant de débris d’avion qui pleuvent autour de lui avec pour légende « Daech: l’aviation russe intensifie ses bombardements ».
« Y a-t-il des limites à la russophobie dans les médias occidentaux », s’est interrogé pour sa part le député Alexeï Pouchkov, président de la commission pour les affaires étrangères à la Douma d’Etat (chambre basse du Parlement russe).
« Alors que le monde entier compatit avec la Russie, Charlie Hebdo proclame le droit odieux au blasphème », a-t-il écrit sur Twitter.
Le sénateur Konstantin Kossatchev, à la tête de la commission des Affaires étrangères au Sénat, s’est également insurgé de ce « mépris inacceptable pour les valeurs morales ».
Si la Russie a participé à la marche historique organisée à Paris contre le « terrorisme » après l’attaque de Charlie Hebdo en janvier, elle s’est vite désolidarisée des caricatures de l’hebdomadaire.
« C’est une manipulation du Kremlin, qui utilise Charlie Hebdo », a rétorqué le rédacteur en chef du journal satirique, Gérard Biard.
« Il veulent attirer l’attention sur deux malheureux dessins et créer une polémique qui n’a pas lieu d’être. Cela ressemble à la manipulation habituelle d’un pouvoir totalitaire ».
« Que même les Russes s’y mettent » contre Charlie Hebdo, « ce n’est pas nouveau : c’était déjà le cas avec la polémique sur le dessin sur Aylan. Et aussi quand un opposant russe a été abattu devant le Kremlin (Boris Nemstov, assassiné en février NDLR) , ils avaient dit qu’il avait été tué parce qu’il avait soutenu Charlie Hebdo ».
« Ce journal est censé être irrespectueux, donc allons-y, utilisons Charlie Hebdo ! », a-t-il ironisé. « Or nous respectons plus de valeurs que le pouvoir russe, comme la démocratie, la laïcité, la liberté d’expression », a-t-il dit.
Le crash de l’Airbus A321 de la compagnie russe Metrojet dans le Sinaï égyptien a fait 224 morts le 31 octobre.
L’hypothèse d’une bombe à bord a été évoquée par Washington et Londres.
Le président russe Vladimir Poutine a ordonné vendredi la suspension des vols des compagnies aériennes russes vers l’Egypte, sur recommandation des services secrets.
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